20220713 – Discours aux armées du président de la République.

14 JUILLET 2022 – SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI

DISCOURS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE AUX ARMÉES

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Monsieur le ministre,
Mesdames les secrétaires d’Etat, 
Mesdames et messieurs les parlementaires, 
Monsieur le grand général chancelier de la Légion d’Honneur,
Monsieur le général chef d’Etat-major des Armées,
Monsieur le délégué général pour l’Armement,
Madame la secrétaire générale pour l’Administration, 
Messieurs les chefs d’Etat-major, 
Monsieur le directeur de la gendarmerie nationale, 
Monsieur le gouverneur militaire de Paris, 
Mesdames et messieurs les officiers généraux,
Mesdames et messieurs les directeurs, 
Officiers, sous-officiers et officiers mariniers, militaires du rang, marins et aviateurs, personnels civils des armées,
Mesdames et messieurs, chers amis,

Vous le savez, c’est chaque année pour moi, à la fois beaucoup de bonheur et d’émotion que je viens partager avec vous ce moment de cohésion et d’échange. Avant tout, cela me permet de témoigner à nos blessés, à leurs familles aux familles endeuillées notre respect, notre solidarité et notre amitié. C’est aussi pour moi l’opportunité d’avoir une relation directe avec les femmes et les hommes qui, demain, défileront devant les Françaises et les Français sur les Champs Elysées. C’est, enfin, une occasion de m’adresser aux responsables du ministère des armées pour leur donner ma vision, ainsi que les grandes orientations qui doivent sous-tendre votre action de chaque jour. 

Lors de notre rencontre en ce début d’année, j’ai décrit les lignes de force de l’évolution de la conflictualité durant ces dernières années, entre compétition, contestation et affrontement, dans les champs matériels et immatériels, sous des formes militaires ou hybrides, avec un phénomène d’accélération et d’intensification. Il faut le regretter, mais l’évolution de la situation stratégique sous nos yeux valide en tous points la vision développée à Oberhoffen en janvier dernier Et la guerre hélas a ressurgi sur notre continent. Et très vite, de façon exemplaire et reconnue par nos Alliés, nous nous sommes adaptés, sur mer, notamment en Méditerranée Orientale, dans les airs, en multipliant les vols de réassurance, de soutien logistique ou de renseignement, notamment dans les pays baltes, et sur terre en projetant en Roumanie le bataillon « AIGLE » et les éléments de défense antiaérienne dans le cadre de la force de réaction rapide de l’OTAN, mais également en Estonie où le détachement « LYNX » a été prolongé. Nous honorerons ces efforts demain lors du défilé. Et vous pouvez être fiers de votre réactivité et de votre professionnalisme.

Parallèlement, nous tirons sans attendre toutes les conséquences de la guerre en Ukraine : l’Europe est le cadre et le point d’application le plus proche, le plus immédiat de notre solidarité stratégique qui doit, dans le même temps, continuer à bénéficier à nos partenaires qui, parfois plus éloignés de ce voisinage européen, comptent toujours sur nous. Avant d’évoquer un certain nombre d’orientations qui en découlent pour les mois et les années à venir, je voudrais avant toute chose aujourd’hui m’arrêter un instant sur une dimension absolument cruciale de notre action, et vous dire toute l’importance que nous devons accorder à la préparation des énergies, des caractères, des volontés pour faire face aux défis qui sont devant nous.

Souvenons-nous de cette phrase bien connue de Thucydide, qui nous dit, après avoir médité sur les guerres du Péloponnèse : « La force de la cité ne réside ni dans ses remparts, ni dans ses vaisseaux, mais dans le caractère de ses citoyens ».

L’actualité ne dément pas ce constat vieux de 2 500 ans : la force morale, c’est-à-dire la capacité individuelle et collective à prendre l’ascendant sur les évènements pour faire prévaloir sa volonté et accomplir sa mission, est toujours une condition absolument majeure du succès. Et je le dis au moment où chacun d’entre nous a été frappé ces derniers mois par cette force morale de la nation ukrainienne qui lui a permis de tenir malgré un rapport de force initialement si défavorable. Or il y a une réciprocité importante entre la force morale d’une nation et celle de ses armées, qui se nourrissent mutuellement : depuis Valmy et la « Nation en armes », notre Histoire nous le démontre. Je suis donc particulièrement attentif à ce que notre force morale, votre force morale, à vous militaires, soit travaillée, entraînée, alimentée. Parce que votre force morale est un élément essentiel de la cohésion de la Nation. 

Cette force morale c’est d’abord dans sa dimension individuelle, le fruit de votre formation, de votre éducation militaire. Une éducation à la responsabilité, à la confiance :  l’obéissance comme école du commandement. Une éducation qui conduit à savoir édicter et à savoir mettre en œuvre des directives claires. Une éducation qui vous apprend le culte de la mission. Mais la force morale est aussi le produit de dynamiques collectives : la soumission volontaire et partagée aux règles que s’est données le groupe, en d’autres termes la discipline, qu’il ne faut pas craindre, bien au contraire, mais qui rend plus forts et fait grandir. Des normes et des codes qui visent à garantir justice et équité. Des rites communs. Le sens du partage, de la communauté, l’esprit d’équipage …  

Comprenons-nous bien, la force morale ne sera jamais un acquis. Ce serait même une grave erreur de considérer qu’elle peut l’être : elle est une dynamique, un chemin. Elle est conditionnée par l’action. Elle permet d’entretenir l’esprit combatif pour affronter en confiance les défis du futur. Elle nourrit la fierté d’appartenance et permet de se projeter dans l’avenir, en somme. C’est pourquoi je vous encourage à cultiver votre force morale, et celle de vos familles, que j’assure de mon attention et de ma solidarité. Je vous y encourage avec beaucoup de confiance parce que je sais que vos chefs, et en premier lieu le ministre et le chef d’état-major des armées, les chefs d’état-major et les chefs des services de soutien y sont tout particulièrement attentifs. 

Il n’y a pas de force morale durable sans lien fort avec nos blessés, leurs familles ainsi qu’avec les familles endeuillées. Protecteur des Invalides, héritier d’une tradition enracinée depuis Louis XIV et qui m’oblige, je porte avec vigilance le souci de « ceux qui ont exposé librement leur vie et prodigué leur sang pour la défense et le soutien de notre pays ». Je remercie chaleureusement les familles, et chacune et chacun d’entre vous. La Nation vous doit. Je remercie chaleureusement les cellules d’assistance aux blessés des états-majors, et salue tous les efforts consentis ces dernières années pour assurer la prise en charge des blessés, dans leur chair ou dans leur esprit, comme la prise en charge des familles. Et je veux ici une fois encore dire combien nous devons au service de santé des armées. Lui aussi fût si souvent touché ces dernières années, y compris ces derniers mois dans sa chair. Mais nous pouvons, et je dirais même nous devons aller plus loin. Nous savons qu’il reste encore du chemin à parcourir. Je l’ai mesuré à plusieurs reprises, et récemment encore, lorsqu’avec mon épouse j’ai pu rencontrer notre équipe nationale des Invictus Games.  Il existe encore des processus administratifs inadaptés, mal coordonnés ou mal accompagnés qui peuvent générer ou accentuer de la souffrance. Nous ne pouvons pas l’accepter. Pour un blessé du fait de son engagement militaire, il doit y avoir une présomption de bonne foi : nous devons alléger la charge de la preuve qui pèse sur l’individu, nous devons la neutraliser, même. Et je le dis clairement, oui, nous devons savoir sortir de la prévalence structurelle, inconsciente mais bien présente, de la défense des intérêts financiers de l’Etat. Nos administrations doivent sortir de cette logique qui a eu toute sa légitimité, qui peut l’avoir dans encore bien des domaines, mais nous devons avant tout l’empathie, l’accompagnement et réussir à répondre à ce que nous devons à nos blessés, quels qu’ils soient, et à toutes les familles. Nous devons garantir aux blessés, aux familles une prise en charge immédiate, durable, adaptée et bienveillante en cad de blessures ou de décès en service. Je serai donc attentif à l’avancée des nouveaux chantiers lancés ces dernières semaines, qu’il s’agisse de la simplification et de l’amélioration des procédures administratives, ou l’adéquation des mesures de reconnaissance, de réparation et d’accompagnement des familles. C’est une condition de sérénité, de confiance, donc de force morale pour l’accomplissement de vos missions. C’est une exigence, un objectif majeur que je nous assigne collectivement pour les mois à venir. Car vous le savez il est de mon devoir d’éveiller avec constance à la condition militaire. 

Car vous le savez, il est de mon devoir de veiller avec constance à la condition militaire, et je l’ai fait encore ces derniers jours en recevant le Haut comité qui est chargé de son évaluation. Pleinement professionnalisé depuis vingt ans, le monde militaire, loin d’être monolithique, est marqué par sa diversité sociologique et une porosité avec la société civile. Il est l’objet de forces centrifuges ou centripètes et de tendances parfois paradoxales mais qui le conduisent à réaffirmer régulièrement sa singularité tout en se comparant aux corps de l’Etat, notamment aux autres corps en uniforme. L’exercice d’un commandement attentif et les instances et mécanismes de concertation permettent de canaliser ces mouvements et de piloter des évolutions aussi nécessaires que le chantier considérable de la nouvelle politique de rémunération des militaires. La variété des métiers exercés par les différents corps militaires, leur caractère parfois fortement interfacé avec d’autres administrations de l’Etat, avec le tissu économique ou industriel, constituent une richesse. Mais les contours de la militarité de certains corps sont parfois questionnés : j’invite à conduire cette réflexion, si elle doit l’être, en l’abordant d’abord par les principes, avant toute considération de gestion, ou simplement corporatiste. Il m’appartient de veiller à l’équité de traitement des militaires vis-à-vis des agents publics, pour leur donner la place éminente qu’ils méritent au sein de l’Etat. Mais je vous le dis, l’impératif d’équité ne peut pas se confondre pas avec une égalité conceptuelle et mécanique. Cela tendrait inéluctablement vers une forme de fongibilité, de banalisation de votre état militaire. Votre statut est à la fois un bouclier déontologique et un levier d’action qui garantit un régime adapté de droits et de devoirs. Et les sujétions qu’il comprend, comme la mobilité que le Haut comité a cette année longuement étudiée, doivent évidemment être accompagnées et compensées, mais elles procèdent de principes fondamentaux, ici le principe de disponibilité, qui lui-même conditionne le principe de libre disposition de la force armée. C’est pourquoi conditionner la mobilité au volontariat, c’est, au plan des principes, affaiblir la militarité. Les nécessaires réponses aux sujétions ou aux enjeux d’attractivité et de fidélisation doivent donc, si je puis dire, être abordées par le haut. C’est dans sa globalité que doit être envisagée la réflexion sur les positionnements relatifs des corps militaires et civils, avec un souci de cohérence et de modernité en quelque sorte. Tenons aux principes, défendons la militarité, mais sachons regarder la société telle qu’elle évolue, et accompagnons davantage les familles, les carrières, donnons plus de visibilité, parfois là aussi plus d’empathie, d’humanité, mais gardons les principes avec clarté et fermeté.

Nos concitoyens ont pour beaucoup, et c’est heureux, été élevés dans une démocratie de paix. Mais, et on l’observe aussi ces derniers temps, les valeurs de notre Nation, de notre République font aussi parfois les frais soit d’un certain relativisme ambiant, qui s’installe de plus en plus et je le vois avec inquiétude, soit d’une remise en cause assumée qui s’installe avec un caractère de plus en plus désinhibé. 

Bien sûr, ses 20 dernières années possédaient les caractéristiques de la guerre, souvent au niveau tactique. Et le terrorisme était revenu sur notre sol pour nous frapper de nouveau. Mais la guerre revient, pleinement, cruellement sur le sol européen et elle nous rappelle le tragique de l’histoire. Nous redécouvrons ainsi que la force morale de notre Nation doit absolument être cultivée, encouragée et travaillée. Et c’est pour cela que je vous parle avec autant de force de cette force morale. 

Vous avez, vous militaires, une place singulière et un rôle majeur à jouer à cet effet, sur tout le territoire métropolitain comme dans nos Outre-mer. Mais deux aspects importants me viennent naturellement à l’esprit, qui d’ailleurs miroitent l’un avec l’autre et que je veux ici souligner, l’action mémorielle du ministère et des concours qu’il peut apporter à la formation de la jeunesse de notre pays. Mesdames les secrétaires d’Etat, vous avez à cet égard toute ma confiance auprès du ministre des Armées pour porter haut et loin ces enjeux essentiels pour la Nation. Oui, le premier c’est bien la mémoire. 

Dépositaires d’un patrimoine inestimable, matériel et immatériel, les armées ont vocation à conserver, valoriser et transmettre notre héritage national. Votre organisation est clairement, dans mon esprit, un élément de notre système d’armes collectif, pour emprunter à votre vocabulaire, et votre politique mémorielle ainsi contribue à la doctrine militaire.  Bien sûr, il s’agit de reconnaître, de récompenser, le cas échéant de réparer ce qui doit l’être. Je salue à cet égard le travail accompli pour élaborer et mettre en œuvre la loi que j’ai souhaitée pour les Harkis, qui produit désormais ses effets et je veux vous en remercier. Bien sûr, il s’agit aussi de permettre aux chercheurs de documenter notre Histoire, en trouvant le meilleur équilibre entre les principes essentiels de libre accès aux documents et de protection du secret de défense nationale, avec pour n’en citer qu’une traduction immédiate pour nos compatriotes polynésiens. C’est ainsi qu’un important travail de déclassification des documents relatifs à l’histoire des essais nucléaires a été entrepris. Nous l’avons fait et je vous en remercie. Car nous avons mis fin a des décennies, je dois bien le dire de malentendus, peut être même de tabou. Ce travail est essentiel pour entretenir cette force morale de la nation par ce devoir de vérité, de mémoire, cette transmission par l’histoire. C’est pourquoi il convient aussi de présenter à nos compatriotes les hauts lieux symboliques de notre Histoire pour concourir à l’attractivité des territoires, et donner envie de s’engager si je puis dire en s’inscrivant dans notre Légende des Siècles. Celle même que nos armées ont écrites. Je me réjouis à cet égard des efforts soutenus pour rénover, pour métamorphoser le musée de la Marine, que j’inaugurerai à l’automne 2023, ou pour conduire le chantier ambitieux de transformation du musée de l’Armée.  Mais la place de l’histoire, la politique des archives, la politique muséale des armées doivent aussi concourir à la résilience du pays. Nous célébrons cette année entre autres, les 80 ans de Bir Hakeim et du Normandie Niémen, ou bien encore les 50 ans de la première patrouille du Redoutable : le sens de l’engagement, l’acceptation du sacrifice au profit du bien commun ne se décrètent pas ! Ils se nourrissent de l’exemple des anciens, et des leçons tirées du passé. De cette capacité a nous remémorer ces moments d’héroïsme qui n’avaient rien d’évident. Lors que nos prédécesseurs, vos prédécesseurs les ont écrits. C’est pourquoi la mémoire est un levier puissant de cohésion, un vecteur de contre-influence, face à l’utilisation dévoyée de l’Histoire qui se multiplie partout… Regardez en Ukraine combien certaines puissances réécrivent l’histoire du 20e siècle pour justifier leurs actions. Regardez combien parfois les mêmes puissances, pour continuer d’évoquer implicitement la Russie, utilisent, déforment l’histoire des derniers siècles pour attaquer la France et se présenter comme ceux qu’ils n’ont jamais été et transfigurer des milices et de prédateurs en libérateur de peuple. Oui, l’histoire compte et nourri notre action. 

Et le deuxième point, et il est lié à ce qui précède, c’est ce que vous pouvez offrir à la jeunesse de notre pays.  Vous le savez, j’ai exprimé à plusieurs reprises mon attachement et mon intérêt pour les savoir-faire des militaires qui m’ont été présentés lors de mes différents déplacements. De l’Ecole des Mousses au 4ème Régiment Etranger en passant par la compagnie d’instruction du SMA d’Hiva Hoa, j’ai pu observer vos dispositifs de formation, qui sont des chances pour les jeunes qui vous sont confiés. La pédagogie du compagnonnage, la présence parfois rugueuse, mais permanente et, en réalité, bienveillante de cadres qui prennent en compte le soldat, le marin ou l’aviateur dans toute son humanité, le témoignage des anciens, les histoires racontées, les rituels partagés, tout cela constitue un trésor que d’autres ont parfois perdu, voire dilapidé. Et quel trésor ! Cette année nous voit célébrer les 4 siècles d’Histoire des Troupes de Marine, les 80 ans des commandos marine, les 80 ans de l’arme des Transmissions, là aussi pour n’en citer que quelques-uns. 

Comprenons-nous bien : il ne s’agit pas de militariser la jeunesse, encore moins la société, cela n’aurait pas de sens. Mais au moment où la République est traversée de mouvements sombres, où la Nation a besoin de se retrouver le sel de son histoire, son sens profond pour être plus forte et plus unie, la République a besoin que vous fassiez davantage. 
Je connais les savoir-faire de nos armées en matière de cohésion et de jeunesse, en métropole et en outremer. Je connais la richesse du plan armées-jeunesse, qui réunit les initiatives et les actions conduites partout et en permanence par le ministère. Je connais les préparations militaires parachutistes et les autres actions de l’armée de terre, les préparations militaires marine, qui fêtent leurs cinquante ans. Je connais les escadrilles air jeunesse sur les bases aériennes, et toutes les actions conduites pour et avec la jeunesse. Mais je vous demande de faire davantage, en donnant à nos réserves une nouvelle ambition, en doublant le volume des réserves opérationnelles des armées, et en investissant plus et mieux le grand projet de Service National Universel que je porte. Je sais tout le travail fait par l’agence, je sais toute la contribution que vous y apportez, mais c’est un axe essentiel des prochains mois et des prochaines années. L’expérimentation fonctionne : nous devons désormais avancer vers le plein déploiement et aller au bout de notre démarche. Le service civique – et donc la partie civile de cette initiative est forte – nous l’avons largement développé, plus que doublé, et il nourrit la phase d’engagement du SNU, le troisième temps, et est emblématique de cette volonté. Mais le SNU dans sa complétude doit permettre d’amorcer, d’encourager, d’universaliser en quelque sorte la logique qui est la nôtre. Car c’est toute la société française que je souhaite mobiliser, en renforçant notre esprit de cohésion nationale en métropole et en outremer. Résilience et cohésion nationale doivent être consolidées. Pour cela je m’appuierai sur vous, militaires, qui cultivez au plus haut point l’esprit d’équipe, l’esprit d’équipage, et qui portez la solidarité en tant que valeur primordiale, et les valeurs de transmission et de discipline au cœur de l’organisation. Je veillerai à ce que les ressources nécessaires y soient consacrées sans préempter les moyens budgétaires que nous devons préserver pour l’accomplissement de votre mission première. Mais c’est aussi pour cela que j’ai souhaité rattacher la secrétaire d’Etat, chargée de la jeunesse et du service national universel, au ministre des armées en plus de son rattachement précédent au ministre de l’éducation nationale. C’est en ce sens que j’ai demandé aux trois ministres, sous la supervision de la Première ministre, de nous faire des propositions dès l’été.
La force morale d’une Nation, c’est aussi sa volonté de se donner les moyens de se défendre. C’est une industrie de l’armement reconnue pour son rôle majeur, par nos concitoyens. C’est une dissuasion nucléaire crédibilisée dans sa vocation politique et stratégique par l’adhésion de la Nation. Mesdames et messieurs, ne nous y trompons pas : Thucydide ne nie pas l’importance des vaisseaux et des remparts de la cité, mais il nous rappelle qu’ils cèderont sans force morale. Et cela nous impose donc de faire un effort essentiel pour l’éducation et l’engagement de la jeunesse. Et cette capacité partout et en tout lieu de conforter la force morale de la Nation. 

Si vous m’autorisez ce saut dans le temps de deux mille ans, de Thucydide à Erasme, gardons à l’esprit cet adage de 1508 : « Si tu combats avec une épée d’argent, tu seras toujours vainqueur ». C’est pourquoi, en 2017, nous avons décidé de stopper l’érosion de nos capacités militaires. Et depuis lors, nous avons veillé – gouvernement, parlement, et je remercie les commissions compétentes, leurs présidents, de leur engagement et vigilance constante, l’ensemble du ministère des armées que je remercie pour son engagement – à ce que chaque annuité de la loi de programmation militaire soit respectée devant les armées et le Parlement. Je l’ai annoncé, cette ligne sera tenue, en conservant les grands axes et les grands choix déjà tracés, en poursuivant l’effort entrepris. Car tout, aujourd’hui, malheureusement, a confirmé ce qui était au cœur de l’analyse stratégique et des constats que nous avions faits en 2017 et 2018. 

Et je le dis ici, avec la crédibilité des dernières années, car il y avait des décennies, des décennies, que les lois de programmation militaire n’étaient pas respectées année après année. Nous nous étions habitués à passer de longs moments à réfléchir, puis de longues heures à programmer, pour méthodiquement ne pas appliquer ce qui avait été programmé. Nous avons fait l’inverse, et nous allons donc poursuivre dans cette voie. 
Il nous faut d’abord poursuivre notre engagement contre la menace terroriste partout, notamment en Afrique. Nous la poursuivrons après Barkhane, autrement mais résolument, dans une vision globale, incluant une dimension militaire rénovée, avec nos alliés européens et africains, selon des partenariats adaptés, en valorisant davantage nos savoir-faire que nous partagerons plus largement dans nos écoles militaires avec des modalités différentes. J’ai demandé aux ministres et au chef d’état-major des armées de pouvoir repenser d’ici à l’automne l’ensemble de nos dispositifs sur le continent africain. C’est une nécessité stratégique car nous devons avoir des dispositifs, si je puis m’exprimer ainsi, moins posés et moins exposés, et réussir à bâtir dans la durée une intimité plus forte avec les armées africaines, reconstruire une capacité à former ici et là-bas, rebâtir une intimité qui est déjà forte – et là, je peux ainsi saluer l’engagement, le professionnalisme de nos services de renseignement, d’intelligence – mais la consolider et réussir à penser un continuum entre notre offre diplomatique, nos actions rénovées pour le partenariat africain, nos actions de développement, notre présence militaire. C’est un changement de paradigme profond que nous devons faire, et nous le ferons. 

En attendant, je veux ici vous féliciter pour le bon déroulement de la réarticulation de nos forces au Sahel. Les succès de Barkhane et de Sabre ces derniers mois sont incontestables. Les armées françaises ont continué au Sahel de combattre le terrorisme, et d’avoir une efficacité incontestable, bien supérieure à toute autre force, je dois le dire ici avec beaucoup de fierté et beaucoup de clarté. Vous avez permis de casser l’articulation entre le commandement central des franchises terroristes et les groupes sahéliens. Et s’il n’y a pas aujourd’hui un Califat territorial au Sahel, c’est grâce au premier chef, à nos armées. Et le retrait du Mali que j’ai décidé parce que les conditions politiques et opérationnelles d’un maintien de Barkhane dans ce pays n’étaient plus réunies, était un véritable défi. J’assume ici devant vous ce retrait. Il était devenu une nécessité pour la clarté de notre action et pour notre sécurité. Car, ne l’oublions jamais, nous sommes intervenus en 2013 au Sahel à la demande de l’Etat malien démocratiquement élu, à la demande de l’organisation régionale qu’est la Cédéao, et dans un cadre clair. Deux coups d’État militaires successifs, et je dois le dire, parfois la faiblesse coupable d’autres dirigeants ne condamnant pas assez vite, ont conduit à changer le cadre d’intervention qui était le nôtre. Nos armées ne pouvaient plus rester présentes sur le sol malien aux côtés d’un pouvoir politique qui n’était plus légitime, dont la priorité n’était plus la lutte contre les groupes terroristes et qui décidait même de bâtir de nouvelles complicités, qui avec des milices prédatrices et coupables, qui parfois avec certains groupements eux-mêmes. C’est ce que je vous devais, ce que je devais aux familles endeuillées et à nos blessés. Je veux le dire ici avec force : le combat que nous avons mené et que nous menons encore aujourd’hui sur le sol malien et que nous continuerons de mener au Sahel est juste, légitime et utile. Il est notre fierté. Il est le fruit de vos efforts. Mais ce qui a été fait ces derniers mois a été conduit dans des conditions politiques et opérationnelles remarquables. Et donc, ce retrait du Mali que j’ai décidé, est en plus de tout cela, un défi logistique considérable, porteur de forts risques sécuritaires, réputationnels et stratégiques. Et vous le relevez en parfaite coordination avec nos partenaires africains et européens et avec un professionnalisme et une maîtrise dignes d’éloges. Je veux ici vous les rendre. Nous devons l’achever pareillement avant la fin de l’été et nous le ferons. 

Pendant tout ce temps, vous n’avez dégradé aucun de vos engagements opérationnels partout dans le monde. Notre engagement au Proche et au Moyen-Orient est resté constant. Vous avez tenu les postures permanentes et vous êtes restés pleinement mobilisés sur le territoire national au service de la sécurité des Français. Avec l’opération Sentinelle, la lutte contre la pandémie, les concours divers pour faire face aux crises locales, les actions si importantes dans nos outre-mer, vous avez pleinement mérité la confiance que les Français placent en vous. 

Mais nous avons aussi dû répondre ailleurs, sous faible préavis, lors du déclenchement de la guerre en Ukraine. Et là aussi, je le dis ici avec beaucoup de force, nos armées ont répondu présent de manière exemplaire. Notre réactivité démontrée en Roumanie est un élément clé de notre crédibilité, marquant la qualité de notre organisation, de notre préparation opérationnelle, mais aussi l’efficacité de nos processus de décision politico-militaires. Notre constitution, notre organisation sont des forces enviées partout dans le monde. Je le dis ici, là où je les entends si souvent critiquées, voire attaquées. Dès les premières heures suivant l’invasion, des Rafale ont été engagés depuis nos bases pour défendre le ciel de Pologne avec l’appui d’AWACS et d’avions ravitailleurs MRTT. En sept jours, à partir du 28 février, la composante française du Bataillon « fer de lance » était déployée. 595 soldats du 27ème Bataillon de Chasseurs Alpins, du 126ème Régiment d’Infanterie et du 4ème Régiment de Chasseurs ont été déployés sur la base de Constantza en Roumanie, avec les blindés et tous les moyens nécessaires. J’étais à leurs côtés il y a quelques jours à peine. 243 soldats belges les y ont retrouvés pour constituer un bataillon déclaré opérationnel trois jours plus tard. Pourquoi les Belges et pourquoi si vite ? Parce que nous avons su bâtir durant ces cinq dernières années un partenariat exceptionnel, opérationnel et capacitaire avec la Belgique qui nous a permis de faire cela. C’en est la démonstration. 

L’exceptionnelle agilité de nos armées, nous la devons aussi aux personnels des services de soutien, civils comme militaires. Et je félicite ici les spécialistes du commissariat, des énergies opérationnels, des acheminements, des systèmes d’information et tant d’autres. Ce que je viens ici de rappeler, quasi aucune autre armée en Europe ne peut le faire avec tant de capacités et si vite. Très peu d’armées au monde peuvent le faire. 

La guerre en Ukraine nous redit aussi l’importance du renseignement, non seulement en ce qui concerne l’appréciation de la situation militaire mais aussi pour comprendre les mécanismes à l’œuvre et discerner les intentions. Cette guerre confirme ainsi les investissements là aussi que nous avons conduits, les choix qui furent les nôtres durant ces dernières années, la volonté de renforcer cette fonction avec beaucoup de force. Et cette guerre confirme aussi le besoin de disposer d’un potentiel militaire cohérent et puissant, la capacité à durer, les conséquences en matière de stock. Elle manifeste aussi la nécessité d’adaptabilité qui appelle et appellera de plus en plus une posture d’innovation permanente excluant toute pause, toute assoupissement sur des lauriers aussi mérités soient-ils. Vous le voyez à la cavalcade, je commence à tirer là quelques-unes des premières conséquences, des premiers retours d’expérience de ce que nous venons de vivre en Ukraine : confirmation de certains de nos constats et de nos intuitions stratégiques, mais aussi constats encore plus exigeants liés au retour de la guerre de haute intensité en Europe, impliquant qui plus est une puissance dotée. 

Oui, cette année, la guerre resurgissant à nos portes, à nos frontières, a tout changé. Et elle va nous impliquer de changer encore davantage. Et c’est là-dessus que je voudrais revenir avant de terminer mon propos. J’ai parlé il y a quelques jours d’économie de guerre. J’aurai l’occasion de le dire demain à nos compatriotes, plus largement. Pour répondre à ce besoin que la Nation va avoir de continuer à s’équiper, parfois d’aider certains de nos amis ou alliés à s’équiper eux-mêmes, nous devons structurer une économie française et européenne dans laquelle les modèles, les rythmes, les standards doivent être envisagés selon, si je puis dire, un solfège différent. 

À cet égard, je veux souligner les avancées européennes considérables de ces dernières années et tout particulièrement de ces derniers mois. Ces avancées, le conflit à l’Est de l’Europe nous condamne à les amplifier et nous le faisons. Mais nous avons encore du chemin et toute notre base industrielle et technologique de défense, qui est appelée à se transformer et à se recomposer dans une logique de souveraineté y compris européenne, pour réussir à répondre aux besoins de nos forces et trouver les meilleurs compromis va devoir encore accélérer. J’ai confiance dans nos ingénieurs de l’armement, en nos ingénieurs et techniciens civils, en nos industriels et dans tous leurs salariés, pour mener à bien ces transformations qui sont des investissements pour l’avenir. Nous avons beaucoup fait ces dernières années pour reconstituer nos capacités et rebâtir notre autonomie, lancer des grands programmes européens, aller dans le sens de plus d’innovation. Mais nous allons devoir investir parfois plus vite, plus fort et les industriels devront répondre à ces besoins. Il faudra changer de paradigme, renverser parfois certaines logiques et considérer que les projets doivent désormais être conduits selon une autre logique. 

Je remercie ici la mobilisation constante, constante, de notre délégué général pour l’armement et de toutes ses équipes qui a su améliorer le MCO, les commandes, redéfinir de nouveaux projets de manière remarquable durant ces dernières années. Mais c’est une nouvelle étape qu’il va nous falloir franchir ensemble. La très grande sophistication et la personnalisation de nos systèmes qui font notre force, notamment à l’export, doivent être évidemment préservées. Mais nous devons aussi voir qu’elles sont parfois causes de délais de développement et de production considérables et que nous avons des impératifs nouveaux auxquels il nous faut faire face. Reconstituer plus vite et plus fort certains stocks, savoir produire davantage des matériels qui sont adaptés à ce retour de la guerre de haute intensité sur notre sol, réinterroger certains choix d’innovation pour remettre en quelque sorte en équilibre, en tension, des objectifs qui peuvent rentrer en concurrence : l’innovation la plus extrême et les délais, la capacité à les produire en masse le plus vite possible. C’est pourquoi nous devons à chaque instant garder l’avantage technologique et tactique, tout en sécurisant les chaînes de sous-traitance et les approvisionnements en matières premières et maintenir les compétences nécessaires. C’est donc un vrai défi stratégique, capacitaire, d’innovation, mais aussi de repenser toute la chaîne et donc de savoir questionner une partie de l’organisation de notre base industrielle et technologique de défense. Et vous le voyez bien, il nous faut le faire entre Français, mais aussi au niveau européen, car cette capacité à faire plus vite et à garantir notre autonomie stratégique et notre indépendance, suppose aussi sur certains aspects technologiques, qui peuvent d’ailleurs parfois relever de système duaux, impose de raisonner différemment en Européens. Et qui sur les métaux rares, les gaz rares, certains éléments que nous avions oubliés, supposent de savoir reconquérir des parts de marché et de l’indépendance. Il nous faudra donc savoir basculer dans des logiques de programmes d’urgence, de programmes de résilience et de construction renforcée d’une stratégie d’indépendance. 

Oui, nous devons intégrer l’innovation d’usage issue des forces. Nous devons aller plus vite, simplifier nos processus, parfois aussi nos référentiels. C’est pourquoi j’ai demandé au ministre des armées de conduire ce chantier avec les industriels, avec l’appui du ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, pour élaborer des propositions qui nous seront soumises à la Première ministre et à moi-même au début de l’automne. C’est ensemble que nous relèverons le défi de la compétition technologique, de l’innovation et de la souplesse. Et nous le ferons en Européens. C’est aussi pour ça qu’avec force, je me suis battu et je continuerai de me battre pour que les taxonomies européennes puissent nous continuer d’investir dans nos innovations de défense, nos industries de défense. Parce qu’il y a parfois des esprits étranges qui au moment où on voit la guerre revenir en Europe, s’ingénient à compliquer l’investissement dans les industries de défense en Europe. Donc, j’assume totalement le fait que les taxonomies doivent nous permettre de consolider nos industriels grands groupes, ETI, PME, start-up, et renforcer les investissements dans ces secteurs en leur donnant de la visibilité. Mais, vous l’avez compris, ce sera une ambition exigeante qui sera portée.

A l’aune de ce nouveau contexte et alors même que les conflictualités s’intensifient, j’ai ici peu évoqué l’Indo-Pacifique mais ça reste un espace absolument clé pour la France, pour nos territoires ultramarins – Madame la Secrétaire d’Etat, en particulier notre Nouvelle Calédonie, si aimée. En même temps que la conflictualité est si forte dans de nouveaux espaces : cybernétiques, le spatial, le maritime, nous voyons bien qu’il nous faut aujourd’hui réévaluer notre ambition. Pas pour faire moins, je vous rassure, mais pour parfois réorienter nos prévisions, savoir tirer tous les enseignements de ce nouveau contexte et pouvoir programmer les prochaines années. C’est pourquoi j’ai demandé de réévaluer la loi de programmation militaire, pour bien adapter les réponses qui devront être envisagées. J’ai demandé aux ministres, au chef d’état-major des armées et au délégué général pour l’armement de reconsidérer la pertinence de nos organisations, de nos structures, parfois de nos schémas de pensée. 

D’abord, je dis de questionner nos structures, nos procédures, de renforcer la subsidiarité, condition essentielle pour répondre avec pertinence aux défis que nous avons à relever – et je sais combien le Sénat y est attaché – de reconsidérer la pertinence de notre chaîne de commandement opérationnel pour parfois pouvoir décider plus vite, pour nous coordonner davantage avec efficacité, pour nous adapter aussi à l’évolution des champs de conflictualité et me faire des propositions très concrètes en la matière. Les grandes lignes qui ont guidé notre action ces dernières années gardent leur pertinence, mais notre ambition opérationnelle pour 2030 doit être revue pour mieux assurer notre capacité à faire face à la perspective du retour possible d’un affrontement de haute intensité. Notre effort ne peut donc pas faiblir. Il doit être poursuivi. Nous aurons besoin d’une nouvelle planification, d’investissements ajustés dans la durée et des investissements qui s’inscriront dans une vision large qui articule notre souveraineté, notre indépendance de décision, notre vision du monde, avec les engagements et les réponses élaborées avec nos alliés dans le cadre de la Boussole stratégique de l’Union européenne, du concept stratégique de l’OTAN et des partenariats stratégiques qui structurent notre action. Je souhaite que ces travaux qui, comme vous l’avez compris donc, seront construits par nos ministres, puisque je pense qu’il faut que cette réflexion stratégique, ces retours d’expérience se fassent dans l’intimité des équipes. Point n’est besoin à ce stade et compte-tenu aussi des éléments de continuité, de penser des exercices théoriques ou qu’on mènerait en dehors, si je puis dire, du Gouvernement et de nos armées. Je souhaite que ces travaux, qui devront être achevés pour la fin de cette année, puissent ensuite donner lieu à une loi de programmation, discutée au Parlement début 2023, et qu’ils tracent une trajectoire jusqu’en 2030. C’est cohérent avec la profondeur de champs qu’il nous faut pour mener certains investissements et réorienter certaines actions. Elle servira de cadre de référence aux travaux budgétaires comme aux chantiers capacitaires de court et de moyen termes. 

Nous conserverons à cet égard des éléments, et je vais ici balayer très vite pour conclure quelques points de ces travaux. D’abord, il nous faut garder une approche « à hauteur d’homme » selon l’expression consacrée – oui, les petits équipements individuels, les éléments de soutien, d’infrastructures. Je veillerai à ce que dans ce travail, nous puissions continuer tout ce qui a été entrepris, continuer ce qui a été fait sur le plan du logement, du plan famille. Et je salue ici le travail de votre prédécesseur, monsieur le ministre des armées. Je sais aussi l’attention que nous devrons avoir sur les effectifs et leur déploiement de manière adaptée ; sans renforts, les tours d’astreinte de permanence, la répétition des déploiements opérationnels pèsent toujours autant sur vous et vos familles. Il nous faut donc être cohérent. Et donc là-dessus, nous aurons, à hauteur d’homme, à continuer de déployer les choses, à veiller à la féminisation de nos armées qui demeure un objectif essentiel, à la lutte contre toutes les formes de discriminations, qu’elles soient sexistes, sexuelles, religieuses ou raciales – impératif absolu -, et à bien déployer la réforme de la rémunération des militaires que j’évoquais rapidement tout à l’heure, dont le troisième volet est en préparation. Les prochains mois devront à cet égard être mis à profit pour pleinement dérouler la pédagogie, sécuriser tous les dispositifs et poursuivre ce chantier si important. 

Dans ce contexte d’adaptation de nos capacités aux besoins de défense et de sécurité, notre dissuasion qui est nucléaire et strictement défensive demeurera aussi l’assurance ultime de notre souveraineté et de notre autonomie stratégique. Notre capacité autonome d’appréciation de situation sera renforcée en prenant encore plus et mieux en compte les formes nouvelles et les nouveaux espaces de conflictualité. Nos dispositifs prépositionnés au sol et dans les airs, ainsi que nos forces navales, sur toutes les mers, du continent africain à l’Indo-Pacifique, continueront de concourir à la prévention des crises et au déploiement de nos stratégies. Et nous le ferons, là aussi c’est un élément que je pose dans cette réflexion, avec un investissement militaire accru dans nos outremers. Les postures permanentes seront consolidées, et nous maintiendrons une capacité d’intervention dans tous les milieux avec la marque qui est la nôtre, celle d’une puissance d’équilibre avec cette capacité d’entraînement. 

Et là aussi, je souhaite que l’exercice qui sera conduit doit nous permettre d’intégrer ce qui fut une véritable révolution des derniers mois, et que nous avons menée. Imaginez à travers l’évolution de Barkhane et la Task Force Takuba d’une part, puis ce que nous sommes en train d’inventer aujourd’hui au Sahel, autour de la rotule, si je puis dire, qu’est le Niger, et ce que nous sommes en train de faire et que nous avons déployé ces dernières semaines en Roumanie : à deux reprises, la France a été nation-cadre d’une opération agrégeant des alliés et des Européens pour ce qui est du Sahel, et d’une force de réaction rapide de l’OTAN et de son déploiement pour ce qui est de la Roumanie, ce qui était une première. Et donc, il nous faut consolider ce rôle et savoir bâtir là aussi de nouvelles façons de faire. 

Voilà mesdames et messieurs l’ambition que je dessine ici pour nous. Vous avez compris que les prochains mois seront actifs pour l’ensemble de nos armées, pour toutes celles et ceux qui contribuent à l’effort et en particulier nos industriels. Et je compte sur vous. Oui, c’est tout cela un effort que la Nation doit poursuivre mais ce n’est pas un sacrifice, c’est un investissement qu’elle consent pour elle-même. Le niveau de cet effort nous oblige tous, mais je veux ici nous rappeler cette phrase du général De Gaulle, dans son deuxième discours de Bayeux en 1952 où il disait « La défense ! C’est la première raison d’être de l’État. Il n’y peut manquer sans se détruire lui-même. ». 
S’il faut aller plus loin, plus fort pour la sécurité de nos concitoyens, pour la préservation de nos valeurs, nous le ferons, car nous en sommes capables. Nous avons su faire des choix, nous saurons en faire d’autres. Et je sais surtout qu’il y a les femmes et les hommes que vous êtes et qui font aujourd’hui notre force et qui la feront demain. Cette force, nous la puisons dans l’exemple de nos anciens, dans cet héroïsme français. Cette force, nous continuerons de la porter et de la faire vivre. Et c’est celle qui nourrit toute ma confiance en vous, en nos armées, en vos chefs, et donc, ce faisant, toute la confiance en notre Nation. 

Vive la République et vive la France !